GROUP SHOW – QUELQUES MANUSCRITS TROUVÉS DANS UNE CERVELLE …
La galerie Martine Aboucaya est heureuse de présenter l’exposition « Quelques manuscrits trouvés dans une cervelle… » avec John Baldessari, Christian Boltanski, Marcel Broodthaers, Philippe Cazal, Claude Closky, Angela Detanico / Rafael Lain, Peter Downsbrough, Hans-Peter Feldmann, Joseph Grigely, Joséphine Kaeppelin, Thierry Kuntzel, Claire Morel, Federico Nicolao, Bernard Ollier, Jacques Roubaud, Fabrice Samyn, Vittorio Santoro, Michael Snow et Elsa Werth.
« Je suis changeant dans l’ombre, dans un lit. Une idée devenue sans commencement, se fait claire, mais fausse, mais pure, puis vide ou immense ou vieille : elle devient même nulle, pour s’élever à l’inattendu et elle amène tout mon esprit. »
Paul Valéry, Agathe ou le Manuscrit trouvé dans une cervelle
En 1898, inspiré par la Sainte Agathe de Zurbarán, Paul Valéry entame l’écriture d’une douzaine de pages de prose poétique qu’il n’aura de cesse de retoucher jusqu’à sa mort en 1945. Agathe ou le Manuscrit trouvé dans une cervelle illustre par les mots le processus créatif que l’artiste met lui-même en application à travers ces quelques lignes. Au départ, une étincelle qui préfigure la matière, la dessine lentement, difficilement, parfois vainement, comme l’évoque le poète avec ce conte abstrait, resté inachevé.
Cette exposition présente des oeuvres nouvelles – pensées pour l’évènement – et d’autres plus anciennes, qui se répondent et se complètent, à la manière d’un dialogue à travers le temps. Vidéos, dessins, peintures et installations convoquent ainsi le talent de chacun et le conjuguent au pluriel.
L’écriture comme support de création, le fait de fixer la pensée par le geste est un des nombreux points communs entre les différentes oeuvres et interventions présentées. Jacques Roubaud se positionne avec Préparation de quelques traductions nouvelles du ‘Cimetière Marin’ de Paul Valéry, un texte aux allures de satires d’un des poèmes de l’auteur.
Dès l’entrée, les mots résonnent déjà ; apprendre l’alphabet à une plante, vaine leçon que John Baldessari tente de donner à celle que l’on pourrait considérer comme plus que récalcitrante. Il s’y efforce pourtant – et non sans humour. Teaching a Plant the Alphabet est un exercice incongru et délicieux avec une forme absurde.
les La la la, chants de libération, de Claude Closky transforment des articles de presse en silencieuses mélodies, en ne laissant apparaître uniquement que cet air à différents endroits de l’exposition.
Joséphine Kaeppelin présente le résultat de plusieurs de ses dessins qu’un artisan a interprétés dans la pierre. Sans Titre est une oeuvre issue d’un chevauchement de compréhensions, d’une volonté de trouver un terrain d’entente et de créer par le dialogue.
Matérialiser une idée sur un support, c’est en quelque sorte l’oublier ; libérer l’esprit de son emprise pour mettre un corps à sa merci. Cependant, qu’arrive-t-il lorsque tout disparaît ? Dans Archives Disparues (fragments), Bernard Ollier restitue l’absence et son impossible reconstruction.
Se remémorer les sensations perçues à un moment précis de l’enfance et les recréer dans le présent dans le but de remettre en acte le passé ; voilà précisément ce que Fabrice Samyn évoque ici. The Portrait of Time (or Twenty Years of Instants) raconte l’histoire de cet homme qu’il avait dessiné étant enfant, qu’il cherche et retrouve à l’âge adulte pour reproduire le même geste, un peu plus mature. Forget me not est une oeuvre composée de trois éléments qui jouent avec le réel et sa perception et dont la finalité n’est autre que la simple jouissance de cet instant alors retrouvé. La notion de mémoire, l’artiste l’aborde également d’une toute autre manière avec Breath Piece III Part 2, travail issu d’une rencontre avec un vieil homme atteint de la maladie d’Alzheimer. Dans ces cinq extraits de discussions, l’artiste fixe sur papier la vulnérabilité de notre esprit, cette confusion entre soi et l’autre que cet homme expérimente malgré lui.
What one says or feels resonates de Vittorio Santoro s’articule autour de répétitions et de formes littéraires, questionne autant l’inscription de l’oeuvre dans l’espace et dans le temps que l’inscription ontologique de l’individu dans son espace social.
Peter Downsbrough a pour habitude de présenter des oeuvres qui jouent avec l’espace. Il intervient dans le champ visuel en suggérant ici une nouvelle méthode de lisibilité avec THE, wall piece représentative de ses interventions, incitation à la réflexion et à la recherche d’une autre échelle.
Get Away et Ni Dieu ni Maître, sont deux oeuvres de Philippe Cazal dont l’apparente simplicité repose sur de multiples strates de lecture. Son travail s’articulant autour de la sentence ou de l’image – recyclée ou créée – induit des réflexions tantôt sérieusement fondamentales, tantôt empreintes d’ironie et de dérision.
Claire Morel, quant à elle, déploie son territoire artistique autour de l’écrit comme image, du livre comme objet. Elle conçoit le livre comme un espace dans lequel le spectateur est acteur. Ainsi, elle présente pour cette exposition Les Îles Enchantées, le dessin d’une couverture d’une nouvelle d’Herman Melville et interroge notre perception même de l’ouvrage et de ses composantes.
Sémiologue et graphiste de formation, Angela Detanico et Rafael Lain tirent d’une recherche scientifique, mathématique et littéraire des systèmes de représentation et d’écriture du temps, de l’espace, de la mémoire, de l’infini. Pour cette exposition, ils présentent Changement et Conscience, deux animations qui font lumière sur les mots, découpent le texte et nous offrent ainsi une lecture nouvelle sur ce qui nous entoure, à partir de « Différence et Répétition » de Deleuze et d’un manuscrit de Valéry.
Une jouissance du verbe qui fait face aux Songs Without Words de Joseph Grigely, artiste malentendant qui a fait de son handicap le principal moteur de sa production artistique. Plaçant au coeur de sa pratique la question de la communication, il expose ici des agrandissements de coupures de journaux présentant des chanteurs rendus muets, figés sur le papier. Si aucun son n’est produit, nous pouvons tout de même percevoir les gestes et l’émotion qui les habitent.
La disparition des mots, Marcel Broodthaers l’expérimente magistralement dans La Pluie (projet pour un texte), essayant en vain d’écrire sous une averse pour finalement renoncer, tandis que l’écriture, délayée par la pluie qui tombe, se transforme en dessin.
Par un geste très simple qu’est celui de déchirer une feuille de papier et de la punaiser au mur, Elsa Werth fait apparaître les six faces d’un Dé. Réinterprétation contemporaine d’un objet maintes fois cité dans l’histoire de l’art, elle lui donne ici un aspect enchanté et ludique.
Hat with Photo de Hans-Peter Feldmann s’inscrit dans une forme plus matérielle du récit de cette exposition, avec un accent poétique au sein d’un espace habité par les mots et les sonorités. La tête manque mais la mémoire est intacte.
Dans la salle de projection, on découvre W de Thierry Kuntzel dont l’air résonnait déjà bien avant l’image dans l’espace. C’est une histoire du cycle de la vie. Les vagues sont infinies jusqu’à ce que tout se fige et perde ses couleurs, pour à nouveau recommencer.
Snow (de, à, pour Thierry), est une oeuvre de Michael Snow dédiée à son ami disparu, Thierry Kuntzel. À travers une fenêtre, la neige tombe silencieusement, inlassablement et fige cet instant pour toujours. Indéniable caractère émotionnel de ces deux oeuvres et artistes côte à côte.
Sentiment renforcé par la pièce de Christian Boltanski, Réserve (les Suisses Morts), réelle vanité contemporaine qui par le dénuement, le flou et le déséquilibre, nous rappelle le caractère éphémère de la vie.
Enfin Federico Nicolao interviendra le 2 juin à 18h pour une petite conférence.
Voilà donc quelques formes d’écritures parmi tant d’autres, comme dessin ou comme récit, comme tentative d’échange, comme affirmation, comme leçon, comme citation, comme poésie, comme conférence, comme oubli, comme mélodie et même comme projet pour un texte …
Communiqué de presse et listes des oeuvres :
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